Espèces, variétés et évolution

88 messages Page 3 sur 6

JC_Bartolucci

Avatar du membre
Messages : 515
Enregistré le : 17 oct. 2018, 00:05
Localisation : Damazan (47)

Message par JC_Bartolucci »
Bonjour,

Merci Guillaume pour la bibliographie, je ne manquerai pas d'y jeter un œil car ce sujet m'intéresse fortement.

Ton dernier message à l'avantage de résumer les choses et pour faire ma Mère Thérésa, je dirai que chaque personne qui s'est exprimée sur ce débat n'a ni totalement tord et ni totalement raison non plus (ce qui s'applique pour moi aussi). Je ne juge personne et je sais qu'il n'est pas toujours évident de nuancer lorsque l'on écrit, si bien que Yves c'est senti un peu acculé et je trouve ça un peu dommage. Je n'ai nullement la prétention d'apporter une réponse à cette question qui à mon avis de toute façon n'en a pas de façon tranchée à l'heure actuelle (et peut-être même jamais) d'autant que finalement il y a plusieurs sujets amalgamés dans les discussions qui résultent en fait de l'aspect pluridisciplinaire que revêt cette problématique (dommage qu'on en soit arrivé à la "polémique" comme j'ai pu lire).

L'homme essaye depuis quelques centaines d'années de "mettre dans des cases" tout ce qui l'entoure, ça s'applique aussi à la géologie, mais qui est issu de millions d'années d'évolution (donc oui on en est aux balbutiements). Il a mis en place toute une taxonomie, universelle, pour y parvenir.

"l'espèce" est un des rangs le plus précis de cette taxonomie, basée sur des critères morphologiques principalement, au départ, et à présent la génétique aussi. On s'est dit qu'une espèce est un être vivant présentant des similitudes et pouvant s'accoupler en donnant naissance à une descendance elle-même féconde. Bon, donc déjà c'est trop limitatif puisque de nombreuses espèces de plantes, par exemple, s'hybrident et la descendance est parfaitement féconde et si on s'attaque au monde des bactéries, cette définition ne veut plus rien dire (je rejoins donc Yves). Toutefois, ce rang n'est pas suffisant et il est parfois (souvent) nécessaire d'être plus précis, d'ailleurs comme dit Guillaume, des sous-espèces sont parfois basculées au rang d'espèces et inversement.

Il est scientifiquement indispensable de se pencher sur les différentes formes/variétés/morphes, pour les coléoptères, que je maitrise mieux, on parle aussi d'aberrations... mais ce degré de connaissance est tel qu'il est inutile pour le commun des mortels, même passionnés, et risque en effet d'alourdir un ouvrage, par exemple, alors que quelques lignes pourraient suffire pour en décrire la variabilité. Maintenant comment différencier le "pet de travers" de la véritable variation... c'est, entre autres (et là Guillaume pourra approfondir s'il n'est pas encore saoulé), des statistiques et de l'hérédité, à partir d'un taux de répétabilité d'un même morphe un peu différent de la forme habituelle, on pourrait considérer qu'il s'agisse d'une sous-espèce (la panthère et le léopard) à ou d'une variété (les chiens qui ne forment tous qu'une seule espèce et même avec le loup... qui ne ressemble plus vraiment à un chihuahua, cette grande variabilité s'explique génétiquement par des séquences génomiques identiques répétées plus ou moins de fois et qui en fonction de leur nombre de réplicas vont totalement modifier les morphologie et la physiologie de l'animal).

Dire que de ces variétés va naître de nouvelles espèces... pourquoi pas, mais pas toujours je dirais. Il faudra, entre mille autres raisons, que cette variété ait un succès de reproduction meilleur (en rapport avec les conditions biotiques et abiotiques du milieu), soit parce que cette variation améliore la dissémination de ces gamètes, soit parce qu'elle sera mieux adaptée à son environnement (plus compétitrice que l'autre variété). Dans le cas des champignons, une variation rouge d'une espèce bleue pourrait faire qu'elle soit moins consommée (le rouge étant souvent associé au poison) et arrive donc plus à se reproduire (si cette variation est bien héréditaire). Un autre facteur est aussi le fait que ces variations soient isolées des populations initiales pour éviter les échanges génétiques avec elles et vraiment pouvoir devenir une espèce en tant que telle, mais il faut quand même résonner à des pas de temps très grands qui dépassent de loin une vie humaine. La biodiversité que l'on voit aujourd'hui est issue de millions d'années dévolution et on vient tous d'un même ancêtre commun à la base (avec des continents qui isolent, des extinctions de masse et des aires glaciaires, qui isolent aussi).

Maintenant, tout ce travail est fait par l'homme, avec tous ces défauts (la volonté d'être reconnu par exemple) et ces qualités (y consacrer sa vie ou une partie). Les qualités conduisent à la connaissance actuelle du vivant qui est en perpétuelle évolution tant la biodiversité est grande et complexe. Les défauts, où parfois puisqu'on veut tout nommer avec de surcroit pour certaines personnes la volonté d'être reconnues dans le milieu ou qui sont tout simplement trop impliquées et en oublient les fondamentaux, on nomme des choses qui peut-être n'ont pas lieu d'être mais cet élément ne doit pas remettre en cause le fait de la faire. Au contraire, ça amènera à des discussions, un cheminement, entre spécialistes et intéressés, des expériences ou analyses qui permettront, ou pas, de trancher. Mais il y aura eu débat et c'est comme ça que l'on acquiert de la connaissance notamment en science. Là encore le commun des mortels et les ouvrages généralistes peuvent se passer des ce niveau de détails, à mon sens, d'autant qu'il y aura obligatoirement des oublis volontaires (et alors sur quelle base) /ou non (manque de connaissances ou variétés pas encore décrites par exemple) (je rejoins donc Castor et Fouad). Quelques lignes pour s'assurer que les gens arrivent a reconnaitre l'espèce même si le chapeau est rouge au lieu de bleu, et là encore c'est juste mon opinion, sont largement suffisantes.

Enfin, et c'est mon dernier paragraphe car je pourrais en parler des heures, je pense qu'un bon exemple sur la variabilité en partant d'un génome identique, encore plus probant que les jumeaux, est la métamorphose. A partir d'un génome parfaitement identique puisqu'il s'agit là du même individu, un peu avoir une chenille ou un papillon... qui ne se ressemblent absolument plus en rien. On pourrait aussi citer l'évolution liée à l'âge même d'un individu, avec un même génome, je ne ressemble plus vraiment à ce que j'étais quand j'avais 6 mois... Pour un même génome, il existe possiblement déjà une infinité de possibilité donc au sein d'une espèce n'en parlons pas...

J'espère ne pas ajouter de la lourdeur aux discussions et ne pas m'attirer les foudres des uns et des autres... je le répète, tout le monde à, au moins en partie, raison dans ce débat.

Merci

JC

PS. d'autres messages ont été publié pendant que je rédigeais celui-ci, il se peut qu'il y ait un peu de redondance et je m'en excuse.

Andgelo

Avatar du membre
Messages : 5926
Enregistré le : 29 avr. 2013, 17:08
Nom : Andgelo Mombert
Associations : Société d'Histoire Naturelle du Doubs - Ascomycete.org
Localisation : Doubs
Site Internet

Message par Andgelo »
Merci Guillaume pour tes éclaircissements.

Je comprends bien la raison d'avoir publié ces variations intraspécifiques. Mais actuellement, en particulier pour les genres bien débrouillés, je commence à avoir le sentiment que beaucoup de var. ou f. d'ont plus vraiment de légitimité maintenant.

Par exemple, au jour d'aujourd'hui (j'aime bien cette formule :grandsourire: ), est-ce erroné si je ne tiens pas compte des var. ou f. suivantes car elles sont bien trop caduques et que toutes les variations entre elles et le type sont possibles ou presque ? Je pense à Armillaria cepistipes f. pseudobulbosa, les variations de la couleur du voile de muscaria, Russula violeipes f. citrina, Entoloma araneosum var. fulvostrigosum, Lactarius blennius f. virescens, pour n'en citer que quelques-uns.

Sans oublier - on se répète mais bon - les formes albiniques ont-elles obligées d'être publiées en ALBA-UM. Ce serait contre-scientifique de les considérer comme juste des individus albinos (je suppose qu'il leur manque juste les pigments) ; et au lieu de chercher à les mettre dans une petite case var ou f, les rentrer dans une plus grosse, celle de l'espèce.

Je veux dire par là, pour parler de croco, personne n'a cherché à publier Alligator mississippiensis var. albus pour les alligator albinos ? Ce n'est peut-être pas comparable mais...

Merci d'avance pour ta réponse.

Guillaume Eyssartier

Avatar du membre
Messages : 3510
Enregistré le : 24 juin 2008, 19:51

Message par Guillaume Eyssartier »
Je réponds petite à petit, au fil des commantaires :

Fouad écrivait :
Ma question: est-il inconvenable (c'est le mot qui me vient) de nommer une espèce en "omettant" parfois de préciser la forme ou la variété ? Voir le cas d'une A. rubescens verdâtre ?
Bien sûr que non. Rien n'oblige à nommer ces variations infraspécifiques : ce ne sont que des hypothèses et, en tant que telles, elles peuvent ou non être précisées. Lorsque la recherche "passe dessus", elles sont parfois confirmées, parfois même élevées au rang spécifique, parfois simplement abandonnées. Si tu penses que les variations observables de l'amanite rougissante n'ont pas à être prises en compte, pas de problème. Mais tu avoueras que cette discussion n'aurait pas lieu, ni les hypothèses testées, si elles n'avaient pas un jour été formulées :clindoeil:

Yves écrivait :
le point de vue que je qualifierai d'expression du simple bon sens est pour ainsi dire disqualifié par les experts
Là, en effet, nous ne pourrons pas trouver de point d'entente : le rappel à l'expression du "bon sens", qui à fort à faire avec "l'opinion", me fait toujours frémir, tant on peut lui faire dire à peu près n'importe quoi. La Théorie de l'évolution, la physique quantique, comme bien d'autres parties de la science, sont contre-intuitives et s'opposent donc par définition au "bon sens", à l'instar de très nombreuses découvertes scientifiques majeures.
2- d'une tendance humaine qui me semble facile à comprendre. L'exemple en botanique des jordanons est explicite à ce sujet. Il est gratifiant de trouver une nouvelle espèce, une nouvelle forme, une nouvelle variété. Il est donc possible d'être tenté de le faire de manière abusive...
Cette remarque fait appel à une certaine forme de ce que l'on pourrait appeler une "logique du pire", fondée à la fois sur une tentative de décrédibilisation que l'on retrouve dans tous les mouvements qui tentent de saper les fondements de la démarche scientifique (je ne dit pas du tout, Yves, que c'est ton but : je dis seulement que tu utilises, probablement avec de bonnes intentions, certains outils que l'on retrouve dans des mouvements dans lesquels tu ne te reconnaitrais sans doute pas), et sur une généralisation qui, sous couvert de "bon sens", tente de rallier tout le monde à sa cause. Voici ce que l'on peut en dire :

- tout d'abord, et à ma connaissance, personne n'a jamais dit le contraire ;
- ensuite, qu'est-ce que cela peut bien vouloir démontrer sur la démarche scientifique elle-même, lorsqu'elle est pratiquée dans le cadre de rigueur qui est le sien ?
Pour prendre un autre exemple, en nomenclature, la publication actuelle, sans arrêt, de nouveaux noms de genre apparaît comme en tout cas excessive à l'homme de bon sens. Suffit-il d'incriminer son manque de connaissances pour lui donner tort ? Désolé , je ne le pense pas...
Tout d'abord, ce n'est pas de la nomenclature, mais de la systématique : ce point est fondamental, et saborde déjà une grande partie de cette observation. Mais faisons comme s'il s'agissait d'un lapsus. Je ne connais pas "l'homme de bon sens" auquel tu fais référence, à moins qu'il ne fasse partie des 10 % des Français qui pensent que la Terre est plate (et il est vrai que "le bon sens" leur donne raison) :clindoeil: Trêve de plaisanterie, non, il ne suffit pas d'incriminer son manque de connaissances pour lui donner tort, je suis d'accord avec toi : il faut lui expliquer pourquoi il se trompe, ce qu'il a à gagner à suivre la science en marche, non seulement pour l'accroissement des connaissances qu'elle propose (qui n'est jamais définitif !) mais aussi dans l'affinement de son discernement. Et le fait que la science revient, parfois, sur des connaissances n'est pas non plus une raison de la discréditer : mieux vaut avoir tort avec la science que raison avec l'opinion.
D'ailleurs comment se fait-il qu'un comité de scientifiques ait alerté les mycologues à ce sujet, à propos des noms de genre des bolets, relativement récemment ?
À quoi fais-tu référence, ici ?

Amitiés, Guillaume.
Biologie fongique - Expertises (Dr. Guillaume Eyssartier)

Guillaume Eyssartier

Avatar du membre
Messages : 3510
Enregistré le : 24 juin 2008, 19:51

Message par Guillaume Eyssartier »
Petit complément en fonction des message arrivés entre temps :

JC écrivait :
"l'espèce" est un des rangs le plus précis de cette taxonomie,"
Hummm... je ne sais pas bien ce que tu veux dire par là, mais c'est très loin d'être le cas. Il est même probable que le rang d'espèce soit le moins précis de la taxinomie. Les notions d'espèces sont légions, à tel point que nombre de systématiciens plaident pour sa disparition pure et simple au profit de ce qui s'appelle les "UTO" pour "unité taxinomique opérationnelle", concept déjà fréquemment utilisé chez les bactéries. Sans aller jusque-là, il est certain que la notion d'espèce est une notion qui ne peut être que floue étant donné ce que l'on connaît des processus de spéciation. La plus opérationnelle (ce qui ne veut pas dire que c'est celle qui rend le mieux compte de la réalité de l'évolution des espèces) est, pour moi, celle qui combine à la fois une différenciation phénotypique et une partition phylogénétique, mais force est de constater qu'elle ne fonctionne pas toujours.
Un autre facteur est aussi le fait que ces variations soient isolées des populations initiales pour éviter les échanges génétiques avec elles et vraiment pouvoir devenir une espèce en tant que telle, mais il faut quand même résonner à des pas de temps très grands qui dépassent de loin une vie humaine.
Ça, ce n'est pas vrai : non seulement les spéciations peuvent se faire à des échelles de temps très courtes, de l'ordre d'une génération, mais aussi elles peuvent apparaître sur des espèces non géographiquement séparées (on parle alors de spéciation sympatrique).
Pour un même génome, il existe possiblement déjà une infinité de possibilité donc au sein d'une espèce n'en parlons pas...
Bien entendu et c'est là tout le champ de recherche, entre autres, de l'épigénétique. Mais ces phénomènes sont connus et sont, autant que faire se peut, analysés et pris en compte dans les reconstructions phylogénétiques.

Andgelo écrivait :
Mais actuellement, en particulier pour les genres bien débrouillés, je commence à avoir le sentiment que beaucoup de var. ou f. d'ont plus vraiment de légitimité maintenant.
C'est certain ! Mais cela ne dit rien sur celles que nous décrirons demain ;-)
Par exemple, au jour d'aujourd'hui (j'aime bien cette formule :grandsourire: ), est-ce erroné si je ne tiens pas compte des var. ou f. suivantes car elles sont bien trop caduques et que toutes les variations entre elles et le type sont possibles ou presque ? Je pense à Armillaria cepistipes f. pseudobulbosa, les variations de la couleur du voile de muscaria, Russula violeipes f. citrina, Entoloma araneosum var. fulvostrigosum, Lactarius blennius f. virescens, pour n'en citer que quelques-uns.
Ce sont des questions auxquelles je ne sais pas répondre... même si je pense comme toi, à savoir que beaucoup d'entre elles ne sont pas justifiées. Mais il faut tester ces hypothèses pour en être sûr (dans les cas que tu donnes, je pense que nous n'aurons pas beaucoup de surprises, et je pense que certaines ont d'ailleurs déjà été testées).
Sans oublier - on se répète mais bon - les formes albiniques ont-elles obligées d'être publiées en ALBA-UM. Ce serait contre-scientifique de les considérer comme juste des individus albinos (je suppose qu'il leur manque juste les pigments) ; et au lieu de chercher à les mettre dans une petite case var ou f, les rentrer dans une plus grosse, celle de l'espèce.
Même chose, je ne sais pas répondre... est-ce que ce sont véritablement des formes albiniques dans tous les cas ? Qui aurait cru que le Tricholoma sulphureum des épicéas à mycélium blanc était une espèce bien distincte de sulphureum ? Qui aurait pensé que Tricholoma pardinum var. filamentosum était tellement génétiquement distinct de pardinum qu'il pouvait être considéré comme une espèce à part entière ? Qui aurait pensé qu'il y avait autant d'espèces dans les Calochroi, espèces que l'on sait aujourd'hui distingué parce que des mycologues sont passé outre les commentaires de ceux qui leur affirmait que c'était couper les cheveux en quatre que de les distinguer ? Etc.

Lorsque j'ai décrit il y a quelques années Psathyrella conferta, qui était morphologiquement extrêmement proche de P. lutensis, mais qui poussait en touffes (il y a avait aussi d'autres différences extrêmement ténues), un célèbre mycologue que vous me pardonnerez de ne pas citer m'avait dit "des lutensis en touffes, j'en ai des légions dans mes cartons !", me faisant ainsi passer que, de son point de vue, j'aurais mieux fait de m'abstenir d'encombrer la littérature : mais voilà, elle a été non seulement retrouvée, mais confirmée génétiquement, et elle n'est même pas directement affine à lutensis... On ne gagne pas à tous les coups, et il est fort possible que je me sois planté à d'autres occasions : mais mes hypothèses peuvent être testées, c'est, sinon le seul, du moins leur principal intérêt. Quand on met tout dans le même sac, on n'a plus rien à tester...

Amitiés, Guillaume.
Biologie fongique - Expertises (Dr. Guillaume Eyssartier)

Y.Courtieu

Avatar du membre
Messages : 33236
Enregistré le : 28 oct. 2012, 18:14
Localisation : Haute-Savoie
Site Internet

Message par Y.Courtieu »
Guillaume,

Mon "bon sens" n'a rien à voir avec l'aveuglement des gens qui croient encore que la terre puisse être plate ou que la théorie de l'évolution serait à remettre en cause pour d'obscures raisons religioso-je ne sais quoi, merci de l'admettre une bonne fois...

Ce bon sens prend simplement en compte que la science est faite par des hommes et non pas par des robots. Ces hommes sont susceptibles, par exemple, ont de l'amour propre, de la fierté bien humaine lorsqu'ils font de belles découvertes, etc, etc...

La démarche scientifique est un idéal. Un idéal fort bien décrit par de multiples écrits, un idéal auquel j'adhère sans réserve. Mais la démarche scientifique reste pratiquée par des hommes. Tu ne peux pas le nier.
Je ne cherche rien à démontrer par rapport à cette démarche scientifique, à cet idéal. Je souligne simplement ce qui est à mes yeux une évidence, à savoir que les hommes qui la pratiquent, les scientifiques donc, ne sont jamais parfaits par rapport à cette démarche idéale.

C'est pourquoi il est fort possible qu'ils inventent des variétés ou des formes en perdant de vue les exigences de la rigueur scientifique.

Cela n'est ni un procès d'intention ni un essai de démonstration de quoi que ce soit, c'est un simple constat que chacun peut faire aussi bien que moi.

Pour ce qui concerne la systématique ( et pas la nomenclature :clindoeil: ) ce même bon sens me fait dire tout haut ce que entre parenthèses pensent tout bas énormément de mycophiles de la base, voire de mycologues, je dirai la grande majorité des gens que je rencontre depuis que j'ai pris les fonctions de président de la FMBDS. Tu pourras dire ce que tu veux là-dessus, lorsqu'il y a une telle avalanche de nouveaux noms, lesquels varient de surcroît d'une année sur l'autre, voire même parfois au cours de la même année, il est clair, sans que je puisse "démontrer" quoi que ce soit, mais il est clair tout de même à mes yeux ( toujours le bon sens, pas celui qui croit n'importe quoi, mais bien celui qui garde un esprit critique en toutes circonstances) que l'on peut et que l'on doit se poser des questions.

Pour ta dernière question, un texte a été publié il y a deux ou trois ans, signé de plusieurs grands noms de la mycologie mondiale, notamment européenne (de mémoire, Pierre-Arthur Moreau, Machiel Nordeloos entre plusieurs autres) . Ce texte attirait l'attention sur cette "inflation" de nouveaux noms, en particulier dans le cas des bolets et appelait à respecter une certaine mesure...

Amitiés, Yves
Yves
UN CORPS FROID NE PEUT PAS CHAUFFER UN CORPS CHAUD

Jplm

Avatar du membre
Messages : 32873
Enregistré le : 03 oct. 2011, 10:37
Nom : Jean-Pierre Lachenal-Montagne
Associations : Société Mycologique de France - Associu U Muchjinu : Société Mycologique de Porto-Vecchio
Localisation : Paris, parfois Corse

Message par Jplm »
Bonjour,

Après m'en être longtemps abstenu, j'ai failli écrire à mon tour sur ce sujet, j'avais même préparé un brouillon et puis finalement je me suis aperçu :
  • 1) que tout ce que j'allais écrire l'avait déjà été par l'un ou par l'autre, avec d'autres mots ;
  • 2) que la discussion avait mas mal dérivé par rapport à la question de départ posée par Fifi : Quel intérêt de décrire les variétés ?
  • 3) que parfois vous discutiez sur des points sur lesquels vous étiez au fond d'accord !
Je vous épargnerai donc mes réflexions, pourtant frappées au coin du "bon sens" :clindoeil:, mais qui n'eussent été que bavardage.

Jplm
Jean-Pierre Lachenal-Montagne

Jean Pierre

Avatar du membre
Messages : 6426
Enregistré le : 21 sept. 2011, 10:40
Nom : Jean Pierre Raverat
Association : Association Mycologique Féréopontaine
Localisation : Seine Port (77)
Site Internet

Message par Jean Pierre »
Bonjour,
Je ne connais rien à la génétique et suis trop fainéant pour m'y mettre à mon âge, mais ce débat parfois surréaliste m' interpelle. Aussi je me permet de donner mon avis au risque d'être corrigé à coup de (péri)gourdin si nécessaire. :grandsourire:
Y.Courtieu a écrit :
- 1- Une préoccupation de type scientifique que Fifi et toi vous défendez, et je n'ai jamais dit que ce n'était pas à juste titre.
Mais aussi et on dirait un peu que vous ne parvenez pas à l'entendre (remettez-vous peut-être vous aussi en cause au lieu de conseiller sans cesse aux autres de le faire, si vous permettez qu'on vous le dise)
- 2- d'une tendance humaine qui me semble facile à comprendre. L'exemple en botanique des jordanons est explicite à ce sujet. Il est gratifiant de trouver une nouvelle espèce, une nouvelle forme, une nouvelle variété. Il est donc possible d'être tenté de le faire de manière abusive...
Je crois que tout le monde est d'accord la dessus et c'est la raison pour laquelle l'évolution de la science tend à limiter l'intervention humaine toujours subjective et crée des instruments qui rendent compte de la réalité de manière objective. Penses-tu que l'exemple que tu cites (jordanons) serait possible aujourd'hui. Les techniques actuelles permettent justement de supprimer des taxons abusivement créés par le passé.
Jean Pierre Raverat.
http://www.champignons77.org/

Jplm

Avatar du membre
Messages : 32873
Enregistré le : 03 oct. 2011, 10:37
Nom : Jean-Pierre Lachenal-Montagne
Associations : Société Mycologique de France - Associu U Muchjinu : Société Mycologique de Porto-Vecchio
Localisation : Paris, parfois Corse

Message par Jplm »
On est loin du sujet mais il est sûr que tant que la notoriété (et le financement !) des scientifiques et des universités dépendront autant du nombre de publications, la tentation de les multiplier sera grande, et pas seulement en mycologie ! Mais ayons confiance en l'Homo scientificus (c'est une "variété" d'Homo sapiens), d'autant qu'on n'a plus guère que lui pour peut-être sauver sauver cette planète.

Jplm
Jean-Pierre Lachenal-Montagne

Jean Pierre

Avatar du membre
Messages : 6426
Enregistré le : 21 sept. 2011, 10:40
Nom : Jean Pierre Raverat
Association : Association Mycologique Féréopontaine
Localisation : Seine Port (77)
Site Internet

Message par Jean Pierre »
Y.Courtieu a écrit :
Pour ta dernière question, un texte a été publié il y a deux ou trois ans, signé de plusieurs grands noms de la mycologie mondiale, notamment européenne (de mémoire, Pierre-Arthur Moreau, Machiel Nordeloos entre plusieurs autres) . Ce texte attirait l'attention sur cette "inflation" de nouveaux noms, en particulier dans le cas des bolets et appelait à respecter une certaine mesure...
Le texte en question, je pense.(Vellinga)
Fichiers joints
Scan_0001 (724x1024).jpg
Scan_0004 (724x1024).jpg
Scan_0005 (724x1024).jpg
Scan_0006 (724x1024).jpg
Jean Pierre Raverat.
http://www.champignons77.org/

Y.Courtieu

Avatar du membre
Messages : 33236
Enregistré le : 28 oct. 2012, 18:14
Localisation : Haute-Savoie
Site Internet

Message par Y.Courtieu »
Jean Pierre a écrit :
Bonjour,
Je ne connais rien à la génétique et suis trop fainéant pour m'y mettre à mon âge, mais ce débat parfois surréaliste m' interpelle. Aussi je me permet de donner mon avis au risque d'être corrigé à coup de (péri)gourdin si nécessaire. :grandsourire:
Y.Courtieu a écrit :
- 1- Une préoccupation de type scientifique que Fifi et toi vous défendez, et je n'ai jamais dit que ce n'était pas à juste titre.
Mais aussi et on dirait un peu que vous ne parvenez pas à l'entendre (remettez-vous peut-être vous aussi en cause au lieu de conseiller sans cesse aux autres de le faire, si vous permettez qu'on vous le dise)
- 2- d'une tendance humaine qui me semble facile à comprendre. L'exemple en botanique des jordanons est explicite à ce sujet. Il est gratifiant de trouver une nouvelle espèce, une nouvelle forme, une nouvelle variété. Il est donc possible d'être tenté de le faire de manière abusive...
Je crois que tout le monde est d'accord la dessus et c'est la raison pour laquelle l'évolution de la science tend à limiter l'intervention humaine toujours subjective et crée des instruments qui rendent compte de la réalité de manière objective. Penses-tu que l'exemple que tu cites (jordanons) serait possible aujourd'hui. Les techniques actuelles permettent justement de supprimer des taxons abusivement créés par le passé.
Je pense seulement que les techniques actuelles ont créé des instruments qui nous permettent de rendre compte de la réalité de manière un peu plus objective qu'auparavant, ce qui permet en effet de supprimer des taxons abusivement créés dans le passé.
Je pense aussi qu'il ne faut pas oublier que l'interprétation des résultats objectifs qui sont fournis par ces instruments reste faite par des hommes et reste donc subjective.
Yves
UN CORPS FROID NE PEUT PAS CHAUFFER UN CORPS CHAUD

Jplm

Avatar du membre
Messages : 32873
Enregistré le : 03 oct. 2011, 10:37
Nom : Jean-Pierre Lachenal-Montagne
Associations : Société Mycologique de France - Associu U Muchjinu : Société Mycologique de Porto-Vecchio
Localisation : Paris, parfois Corse

Message par Jplm »
Merci pour l'article, Jean-Pierre. Tu l'as pas en pdf ?

Jplm
Jean-Pierre Lachenal-Montagne

Jean Pierre

Avatar du membre
Messages : 6426
Enregistré le : 21 sept. 2011, 10:40
Nom : Jean Pierre Raverat
Association : Association Mycologique Féréopontaine
Localisation : Seine Port (77)
Site Internet

Message par Jean Pierre »
Jplm a écrit :
Merci pour l'article, Jean-Pierre. Tu l'as pas en pdf ?

Jplm
Oui, mais j'ai été obligé de le scanner, je ne sais pas joindre un pdf. :confus:
Jean Pierre Raverat.
http://www.champignons77.org/

Castor74

Avatar du membre
Messages : 26315
Enregistré le : 23 sept. 2011, 17:11
Nom : Laurent Francini
Association : LA CHANTERELLE DE VILLE-LA-GRAND
Localisation : La Yaute - Haute-Savoie (la «vraie» Savoie) ;-)
Site Internet

Message par Castor74 »
Jean Pierre a écrit :
Jplm a écrit :
Merci pour l'article, Jean-Pierre. Tu l'as pas en pdf ?

Jplm
Oui, mais j'ai été obligé de le scanner, je ne sais pas joindre un pdf. :confus:
T'étais pas obligé de le scanner, un pdf s'ouvre très bien dans un logiciel de retouche (Photoshop ou assimilé) et ensuite tu réenregistres en jpg...
http://www.francini-mycologie.fr/index.htmlMyco-botaniste passionné!Nikon D90 - F-S DX 18-200 mm f:3,5/5,6 G ED VRII - AF-S Nikkor 105 mm macro f:2.8 G ED - Micro Nikkor 60 mm f:2.8

Jplm

Avatar du membre
Messages : 32873
Enregistré le : 03 oct. 2011, 10:37
Nom : Jean-Pierre Lachenal-Montagne
Associations : Société Mycologique de France - Associu U Muchjinu : Société Mycologique de Porto-Vecchio
Localisation : Paris, parfois Corse

Message par Jplm »
castor74 a écrit :
Jean Pierre a écrit :
Oui, mais j'ai été obligé de le scanner, je ne sais pas joindre un pdf. :confus:
T'étais pas obligé de le scanner, un pdf s'ouvre très bien dans un logiciel de retouche (Photoshop ou assimilé) et ensuite tu réenregistres en jpg...
Exact, et pour joindre un pdf tu fais juste Fichiers joints > ajouter des fichiers et tu le mets. Rien d'autre à faire.

Jplm
Jean-Pierre Lachenal-Montagne

Guillaume Eyssartier

Avatar du membre
Messages : 3510
Enregistré le : 24 juin 2008, 19:51

Message par Guillaume Eyssartier »
Yves écrivait :
Mon "bon sens" n'a rien à voir avec l'aveuglement des gens qui croient encore que la terre puisse être plate ou que la théorie de l'évolution serait à remettre en cause pour d'obscures raisons religioso-je ne sais quoi, merci de l'admettre une bonne fois...
Si tu veux...
Ce bon sens prend simplement en compte que la science est faite par des hommes et non pas par des robots. Ces hommes sont susceptibles, par exemple, ont de l'amour propre, de la fierté bien humaine lorsqu'ils font de belles découvertes, etc, etc...
La démarche scientifique est un idéal. Un idéal fort bien décrit par de multiples écrits, un idéal auquel j'adhère sans réserve. Mais la démarche scientifique reste pratiquée par des hommes. Tu ne peux pas le nier.
Je ne cherche rien à démontrer par rapport à cette démarche scientifique, à cet idéal. Je souligne simplement ce qui est à mes yeux une évidence, à savoir que les hommes qui la pratiquent, les scientifiques donc, ne sont jamais parfaits par rapport à cette démarche idéale.
C'est là que tu te trompes, simplement (encore une fois, et j'en suis désolé !), parce que tu n'as qu'une vision très partielle de la façon ont cela fonctionne, fondée sur une analyse des résultats et non des méthodes. Je ne te renverrai pas aux lectures précédemment citées, alors je vais faire un effort et dépenser un peu de temps pour essayer de te l'expliquer, sans doute trop rapidement.
Depuis Darwin et la reconnaissance du fait que les espèces évoluent, la systématique a changé de cahier des charges : il fallait dorénavant que la classification rende compte de la phylogénie. Jusque là, je pense que nous sommes d'accord. Durant des décennies, la classification (je devrais dire les classifications) a alors été fondée sur les outils que les biologistes avaient à leur disposition, c'est-à-dire la paléontologie (les fossiles), l'ontogénie (selon la loi de Haeckel ou loi de récapitulation "l'ontogénie récapitule la phylogénie") et l'anatomie comparée ; les systématiciens essayaient, bon an mal an, de déduire le sens de l'évolution de leurs observations, avec une part de subjectivité qui laissait livre court à la discussion. Puis, avec le progrès des connaissances et au milieu des années 1950, l'entomologiste Willy Hennig pointa le fait que seuls le partage de caractères dérivés était un signe de parenté étroite (ce que l'on appelle les synapomorphies). Ceci peut paraître anecdotique mais, ces caractères dérivés étant identifiés (ce n'était alors pas toujours possible), une grande partie de l'aspect subjectif des classifications était en train de disparaître : pour prendre un exemple simpliste, il viendrait à l'idée de peu de gens que la morphologie des Rhynia, plantes primitives qui vivaient sur Terre il y a 500 millions d'années, propose une palette de caractères dérivés par rapport à nos orchidées actuelles ; l'interprétation humaine n'intervient pas. En outre, tous les groupes reconnus doivent descendre d'un seul ancêtre (monophylie) : encore une fois, il ne peut en exister qu'un, et il n'est pas laissé à l'interprétation du systématicien. Il s'agissait pour Hennig de construire des phylogénies réfutables (la réfutabilité étant la base de toute méthode scientifique), construites sur le principe de parcimonie (aussi nommé d'économie d'hypothèses) : la phylogénie la meilleure est celle qui présente le moins d'hypothèses ad hoc. Cet outil conceptuel puissant est ce que l'on nomme cladistique.
Aujourd'hui et avec l'avènement de la biologie moléculaire et les milliers de caractères à étudier, des logiciels puissants ont été construits qui servent à aligner les séquences, puis à évaluer les distances génétiques entre ces séquences prises deux à deux, et enfin à construire des arbres regroupant les séquences par critère de ressemblance dénué de toute part de subjectivité : les séquences sont identiques, ou pas, l'interprétation humaine n'intervient pas dans ces comparaisons. Tu me diras sans doute que ces logiciels ont été construits par des hommes... évidemment. Mais les séquences ADN, elles, sont parfaitement objectives, et si deux séquences sont plus proches entre elles qu'elles ne le sont d'une troisième, on ne peut que conclure que cette troisième séquence est plus différente des deux autres séquences qu'elles ne le sont entre elles... et même si l'amour-propre du systématicien en prend un coup, l'arbre qui sortira de cette comparaison sera reproductible à l'identique par n'importe quel observateur, et réfutable.

Si je souscris donc à tes observations sur les faiblesses humaines dans le cadre général (et il est évident que les systématiciens n'y échappent pas), il se trouve que, dans le cadre de la systématique cladistique, elle est réduite à néant... Cela ne veut surtout pas dire, les techniques étant singulièrement complexes en particulier lorsque le nombre de séquences étudiées augmente, que tous les arbres sont justes et définitifs : parfois ils pêchent parce que l’échantillonnage n'est pas suffisant, que les séquences ne sont pas suffisamment informatives, et autres biais qui ont à faire avec le progrès des connaissances.

Tu dis aussi :
Je pense aussi qu'il ne faut pas oublier que l'interprétation des résultats objectifs qui sont fournis par ces instruments reste faite par des hommes et reste donc subjective.
Là, cela demande des compléments... de quoi parles-tu ? As-tu des exemples concrets en tête ? Sans doute pas de l'article envoyé par Jean-Pierre, qui définit des règles pour la description de nouveaux genres, étant sous-entendu que, pour reprendre l'exemple de bolets, beaucoup d'entre eux restent encore à décrire !

Amitiés, Guillaume.
Biologie fongique - Expertises (Dr. Guillaume Eyssartier)
88 messages Page 3 sur 6